La chatte sur un toit brûlant
« Cat on a hot tin roof », est le titre original de la pièce de théâtre écrite par Tennessee Williams en 1955. La pièce est adaptée au cinéma en 1958 par Richard Brooks avec dans les rôles principaux, Elisabeth Taylor et Paul Newman. J’ai vu cette adaptation au tout début de mon adolescence sans en comprendre véritablement le sujet. Je me souviens surtout de la performance éblouissante d’Elisabeth Taylor, si belle. Jusqu’à ce que je revoie le film, le rôle de Margaret Politt dit « Maggie la chatte » m’était resté comme une impression persistante qui me revenait à chaque évocation de cette actrice. Il ne me restait qu’elle de ce film et une ambiance très particulière que j’ai du mal à décrire. Je pourrais parler des yeux de Paul Newman mais ce n’est pas le sujet.
L’histoire est celle d’une riche famille paysanne américaine réunie pour l’anniversaire de son patriarche, « Père-chéri » (Big Daddy). Se dévoilent pour l’occasion, un père tyrannique, un héritage convoité, deux fils rivaux, mariés et de fait, deux couples : l’un qui se déchire pour d’obscures raisons et l’autre qui complote pour hériter de la ferme. Au milieu de tout cela, il y a la maladie et la mort. A voir donc !
C’est en revoyant le film que j’ai compris ce qui se cachait derrière le couple de Maggie et Brick, la véritable raison de leur séparation. On parle d’un couple qui ne couche plus dans le même lit depuis 3 ans s’il l’a jamais fait, d’une femme dite stérile et adultère (la beauté des femmes es souvent mise au service de l’adultère), d’un arrangement consenti, d’un homme et d’une jalousie dévorante. Mais Maggie n’est pas fautive car il n’est question que de Brick. Il est question d’une troisième personne, d’une amitié virile, exclusive qui dévore ce couple et attise la jalousie de Maggie. Oui, le mot qui n’est pas prononcé dans le film est homosexualité. Rien n’est donc dévoilé. La vraie raison reste au bout des lèvres, elle est sans cesse bâillonnée par le malaise qu’elle suscite mais on la devine. Je l’ai devinée et j’ai aussi été happé par ce malaise — une identification peut-être. Ce qui est troublant, c’est qu’on se demande si les personnages en ont conscience. Cette homosexualité tue et déniée, je ne la connais que trop bien, je doute cependant que de là vienne le malaise qui a été le mien.
Il m’a fallu une nuit pour comprendre ce qui me gênait. Une nuit pour comprendre que j’étais gêné par le fait que dans ce film, l’homosexualité est associée à la mort, que l’homosexualité est la mort. Elle est la mort d’un couple, le suicide et la mort d’un homme ; elle est une mort aussi foudroyante que le cancer qui ronge Père-chéri, elle est la négation de la vie. Terminer le film par une sorte de conversion, le choix de la vie et de ses espoirs n’a rien fait pour me rassurer.
Il se trouve en réalité que le film s’est distingué de la pièce de Tennessee Williams et a supprimé de l’intrigue l’homosexualité de Brick. Compréhensible pour l’époque ? Je ne crois pas, Williams a bien osé en parler. Je suis maintenant très curieux de lire cette pièce, et soucieux de savoir si j’en ferais la même analyse. Brick Politt était-il à ce point le reflet de Tennessee Williams ? Je l’ignore, tout comme j’ignore ce qui m’a poussé à revoir ce film après toutes ces années. Je continue à penser que c’est un très beau film et à défaut de la pièce, je peux encore m’en contenter pendant quelques temps…
Anecdote: Des extraits du film montrant Elizabeth Taylor figurent dans le clip vidéo de Michael Jackson, "Leave me alone", chanson tiré de son album Bad, sorti en 1987.