OUTRAGE
Outrage (2009) est un film documentaire de Kirby Dick sur les coming-outs forcés parmi les élus républicains à Washington (Etats-Unis). Kirby Dick dit à propos d'Outrage que : "Ce film porte sur les politiciens qui vivent dans le placard, ceux qui ont pu en échaper et les personnes qui travaillent pour mettre un terme à sa tyrannie".
Le terme « Outrage » est intéressant, parce qu’il se révèle être un jeu de mots intéressant pour le titre de ce documentaire.
« Outrage » pourrait être traduit littéralement de l’anglais par outrage. Outrage pourrait être un substantif, un verbe ou — raisonnement poussé — un mot composé. Je me satisfais déjà de toutes les élucubrations sémantiques possibles.
Un outrage pourrait être une grave offense, une injure, une atteinte à une règle ou à un principe.
« To outrage », outrager, un verbe d’action ou d’état, pour faire éclater l’indignation face à l’injustice. Là est le véritable sujet de Outrage, dénoncer une injustice, la négation des droits des homosexuels aux Etats Unis à laquelle participe insidieusement certains homosexuels.
Enfin, le mot composé serait Out-rage, un pur néologisme si j’étais d’expression anglaise, personne ne m’en voudra. « Out, to out someone », dit en français « outter » pour sortir du placard, est une expression qui côtoie intimement la communauté homosexuelle. Il n’est hélas pas question de plaisir mais de la sensation suffocante de la trahison. Oui, on suffoque de rage, une folie qui aveugle ceux qui « outtent ». C’est cela, "the Out Rage", cette tornade qui a pour but d’exposer ces hommes qui cachent leur sexualité derrière des valeurs qu’ils trahissent. Ces hommes se griment en des cadres républicains, arborant foncièrement les valeurs familiales et fermement opposés aux droits des homosexuels. C’est alors qu’une des théories de Carl Jung prend ironiquement tout son sens, car derrière cet épanchement de haine envers les homosexuels, se tait la propre homosexualité de ces hommes. Personnellement, je ne trouve pas qu'il soit bien "d'outter" les homosexuels dans le placard, je pense que ça fait plus de mal que de bien d'exposer la sexualité de ces hommes à la face du monde alors qu'ils n'y sont pas préparés. Accepter son homosexualité demande du temps.
Le film revient sur les cas les plus médiatiques d’hommes pris en flagrant délit d’hypocrisie ces dernières années. Il s'ouvre sur l'enregistrement de l'interrogatoire du sénateur républicain de l'Idaho, Larry Craig, après son arrestation dans les toilettes d'un aéroport. Il est aussi question de James McGreevey (ancien sénateur du New Jersey), Charlie Crist (gouverneur républicain de la Floride), Terry Dolan, Dan Gurley, Mark Foley, David Dreier, etc. Pendant que certains s’amusent de cette exposition, d’autres en revanche sont profondément attristés par l’enfermement de ces hommes et la réalité sordide de leurs vies.
Sénateur Larry Craig
Bien que la methode soit quelque peu discutable, le but d’Outrage est de dénoncer l’hypocrisie. C'est le travail que fait Michael Rogers, intervenant dans le documentaire et militant gay de BlogActive. Mais ces hommes ne pensent pas être hypocrites. La tartufferie ô combien prévisible des politiques et des religieux lorsque la question de l’homosexualité est soulevée, est répétée par tous telle un mantra : « Je suis contre l’homosexualité mais pas contre les homosexuels. » Ce n’est décemment pas concevable. Les Républicains de Outrage le formulent différemment : ils sont homosexuels mais pas gays. (Intéressant…) La distinction est amusante : un homosexuel est selon eux, un homme qui a accessoirement des relations sexuelles avec des hommes ; tandis qu’être gay revient, hormis la sexualité, à adopter un mode de vie gay (relation de couple, s'habiller gay, parler gay, sortir gay, etc.). C’est ce mode de vie qui est dans la ligne de mire de ces hommes politiques.
L’affaire la plus récente — qui ne figure pas dans le film — concerne Roy Ashburn, ce sénateur républicain de l’Etat de Californie, marié et père de famille, connu pour être un féroce opposant de la communauté homosexuelle et pour avoir voté contre tous les projets de lois favorables aux droits des homosexuels. Roy Ashburn a été arrêté pour conduite en état d’ivresse en galante compagnie à la sortie d’un bar gay. Ne pouvant nier les faits, ce dernier a reconnu être gay lors d’une interview radio. Il a expliqué qu’il avait toujours scrupuleusement distingué sa vie professionnelle et sa vie personnelle, qu’il était payé pour faire un travail et qu’il se devait de représenter les convictions de ses électeurs. Quelle abnégation !
Roy Ashburn, sénateur républicain de l'Etat de Californie
Un intervenant dans le film se demandait s’il est possible de se détester à ce point, se détester tellement que l’on veuille détruire tout ce qu’on représente, les homosexuels en l'occurence. Je suis de ceux qui sont tristes. Je suis triste en pensant à la haine, à la peur, au dégoût que la société nous porte ; à cette homophobie qui pousse des hommes à l’automutilation, au rejet de leur existence. On ne va pas refaire l’histoire les images que la société renvoie de l’homosexualité sont négatives. Il n’y a pas d’autres mots, c’est MAL ! Grandir avec une telle crainte ne peut être que destructrice. Nous sommes nombreux à être passés par là et heureusement pour moi, le temps de la peur est derrière moi.
Ces hommes ne sont malheureusement pas les seuls à plaindre. On oublie très souvent une autre victime de toutes ces mascarades, la « Good wife ». Ces épouses aimantes qui se retrouvent du jour au lendemain les dindons de la farce, humiliées et trahies elles-aussi. Rien ne peut remplacer pour elles des années vécues dans le mensonge.
Je me suis aussi interrogé sur la démarche qui est celle de ces hommes, séparer leurs vies personnelles de leurs vies professionnelles. En politique notamment, embrasser des convictions qui ne sont pas les leurs à la manière de certains lobbyistes. Les lobbyistes ne sont pas là pour se faire aimer, dit-on. Je doute qu’une telle démarche soit viable en politique, la preuve est qu’une seule fois que la véritable sexualité de ces hommes est révélée, ils sont contraints à la démission. Quelle peut être la conséquence de pactiser avec l’ennemi si ce n’est de lui donner le moyen de nous tenir sous son joug ?
Outrage retrace aussi les parcours législatifs de ces politiciens et de fait, l’évolution des droits des homosexuels au cours des trente dernières années aux Etats-Unis. Il est stupéfiant de constater que beaucoup reste encore à faire.