Coming Out

Publié le par RV.A.

Faire son coming out en Afrique tient davantage de la démarche suicidaire que d’une exaltante libération. Ajouter quelques braises à l’enfer qu’on connaît déjà, quelques uns sautent le pas les cœurs armés de courage et d’espoir et d’autres sont malheureusement « outtés » par les circonstances. Dans les deux cas, le pire est toujours à craindre.

 

La plupart de mes relations qui ont eu à faire leur coming out, l’ont fait parce qu’elles se jugeaient à l’abri de possibles représailles de leurs familles. Oui, l’argent est parfois le plus doux et le plus chaud des refuges. C’est un coming out nourri de patience et de frustrations mais il n’en reste pas moins un. C’est une décision difficile pour tout le monde, elle peut être annoncée avec la gravité tragédienne d’une œuvre de Shakespeare ou le ton poêlant d’une pièce de Feydeau. C’est au choix.

En ce qui nous concerne, le coming out est très souvent involontaire. Dans de nombreux cas, les jeunes gays sont « outtés » par leurs mères. Intuition féminine ou actes manqués de leur part (les jeunes gays), il n’est facile d’échapper à l’œil inquisiteur de sa mère ou de sa sœur. Les pères quant à eux sont totalement largués ou totalement refoulés. Nous avons été nombreux à soupçonner nos papas d’être de la jaquette (un petit fantasme très vite dépassé). Quand arrive ce moment, deux alternatives s’offrent à nous :

Une dérobade : il ne faut jamais au grand jamais (tiens, voilà que M. Manhattan s’en mêle) avouer. Se la jouer outré par de tels propos et prendre la fuite ou se la jouer outré par de tels propose et rassurer sur son orientation sexuelle. Pour l’essentiel, mentir ! Rien de bien exceptionnel, les gays mentent tout le temps.

Un affront : C’est l’occasion tant attendu de pouvoir se libérer du fardeau qui nous pèse depuis toutes ses années. C’est dit, c’est dit et c’est le drame. Les cris, les larmes, la colère, le mutisme et l’acceptation. Il n’est pas interdit de rêver.

 

Un cas de figure extrême, être pris sur le fait. Ça peut arriver bien sûr, quand livré à de farouches ébats avec son homme (ou un mec quelconque, c’est plus crédible), on s’aperçoit que la porte de sa chambre n’est pas fermée et qu’au pas se tient son frère qui figure une expression de dégoût. A cet instant, on voit sa vie défiler, on se liquéfie dans ses propres sueurs. Et que voyons nous venir ? Le conseil de famille, la séance d’exorcisme avec le prêtre de famille, le banc et la disgrâce. C’est dur, il faut y être préparé. Beaucoup sont mariés à la suite et mènent une vie de mari infidèle, ce n’est pas très reluisant mais c’est une vie quand même. D’autres disent « Merde ! Allez vous faire foutre ! » Je penche très sournoisement pour cette option-là.

Ce n’est pas seulement en Afrique que ça se passe comme ça, c’est juste inéluctable.

 

Le plus terrible des scénarios reste encore à venir : être « outté » par l’homme de la rue, l’africain macho et hétéro de base. Je n’ai même pas envie de l’écrire tellement de conversations répugnantes j’ai entendues sur « 10 façons de trucider un gay ». Des fois, je me demande si ça ne tient pas du fantasme. Ecouter des homophobes fantasmer à l’idée d’être abordés par des gays. Le plus triste pour eux, c’est qu’ils sont très exceptionnellement à nos goûts. Quand on est con, il y a de très fortes chances d’être moche avec ça.

Nous sommes victimes des circonstances.



 

Pour ma part, j’ai été « outté » par ma mère. Je lui ai tout avoué pensant qu’elle me prendrait dans ses bras et me réconforterait de ses longues années vécues dans la peur, l’incompréhension et la solitude. Ça n’a pas été le cas, elle a pleuré et moi aussi. Elle a pensé que la solution à mon « problème » se trouvait dans le christianisme et dans la foi en Dieu. Je n’ai pas cru. Aujourd’hui mes sœurs connaissent mon homosexualité et nous vivons dans le monde très silencieux du non-dit. C’est une histoire comme les autres. Quand j’y repense des fois, je me dis que j’aurais dû me taire et d’autres fois, je me dis aussi que je me sens bien. La situation n’est certes pas idéale mais elle aurait pu être pire. Nous gardons de bons rapports, nous partageons la sincérité des moments que nous vivons ensemble et ça ne va pas plus loin que ça. Je rêve bien sûr de pouvoir leur présenter un jour l’homme que j’aime, qu’il sache à quel point il est merveilleux, intelligent, cultivé. Ils gagneraient tant à le connaître mais ce n’est qu’un rêve et les circonstances ne se prêtent pas pour le réaliser.

Publié dans Vie quotidienne

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